lundi 18 février 2013

Friends




Hier soir, alors que je m’apprêtais à tenter un endormissement furtif d’environ 4 bonnes heures ( mon maximum étant cinq par nuit, je vise la barre déjà haut avec 4 ) je ne pouvais m’empêcher de rejeter un œil sur notre ami facebook.
Addiction ? Réflexe ? Vice ? Peu importe. J’assume totalement la présence de ce réseau social à l’intérieur de mon existence.
Certain diront qu’il est inconcevable d’y passer autant de temps ou d’y afficher sa vie de façon aussi impudique. Moi je dirai seulement qu’il faut vivre avec son temps et que ceux là même qui critiquent ces réseaux sont les mêmes qui refusaient il y a 10 ans un téléphone portable pour la bonne et simple raison qu’ils ne souhaitaient pas avoir «un fil à la patte». Aujourd’hui,  une vie sans téléphone portable est aux frontières du réel !

1h52 au réveil et ma messagerie affichait un petit  onglet rouge. Je cliquais dessus et découvrais quelques photos d'un cimetière Corse.

Fleur était partie passer le week-end en Corse et c’est tout naturellement qu’elle avait dû penser à moi en traversant un cimetière pour pénétrer dans l’enceinte d’un village comme elle me l'expliquait dans le message.

Un message simple. Banal. Trois photos et un clin d’œil.

Un message qui ne pouvait pas me laisser indifférente.

Un message qui à lui seul m’envoyait toute l’amitié que Fleur éprouvait pour moi. Connectée à ma personnalité, elle n’avait pu s’empêcher de penser à cette passion des cimetières qui m’accompagne au quotidien et  à cet instant précis, j’avais senti qu’un peu de moi l’accompagnait. Par cette attention, cette simple pensée.

Quelques temps plus tôt, c'était une photo d'un cimetière écossais, postée par Sylvie, d'une tombe  d'enfant avec une incroyable voiture scellée au dessus, envoyée par Nathalie en vacances sur l'île San Salvador, ou bien un clin d'oeil dans un des albums photos de Caro, au travers de plusieurs clichés de cimetières lors de ses périples.

Au final, que recherchons nous avant tout dans nos vies ?

Le grand amour ? Le bon boulot ? La jolie maison ? L’argent à profusion ? Les voyages ? La célébrité ? La famille Ricoré ? Les enfants sages et brillants ?

Je crois qu’avant toute chose, nous recherchons l’existence au travers de ceux qui nous accompagnent. De près ou de loin, nous sommes à l’affût du moindre de leurs regards, d’une approbation, d’une pensée, de la certitude d’être important dans leurs vies, d’y occuper une place de choix, si petite fusse-t-elle, et d’être certain de ne jamais rester sur le bord de la route. Avec l’immensité de notre solitude.

On ne choisit pas sa famille. On choisit ses amis.

Mes 40 ans arrivant à grand pas, je regarde derrière moi et tire désormais le bilan de ces amitiés qui entourent ma vie.

Il y a les institutionnels, 40 années de vie, 37 ans d’amitié. Rencontrés sur les bancs de la maternelle, nous avons écorchés nos genoux dans ces cours d’écoles au goudron rouge, nous avons appris ensemble la mort de Claude François, nous avons porté des pantalons à carreaux, des bonnets de bain en plastique qui nous arrachaient les cheveux, nous avons mangé les glaces de Tito le samedi matin, lorsqu’il arrivait dans sa Dyane orange et blanche, nous avons  hurlé devant les gratins de nouilles servis par Tata Yvonne à la cantine, nous avons connu les bancs du collège et même du Lycée.  Ils sont mes repères, mon enfance sucrée, ma mémoire quand elle flanche, mes madeleines de Proust. Avec eux c’est évident.

Il y a celles et ceux rencontrés au Collège et au Lycée. Certains restés fidèles quelques années puis qui finissent par disparaître et d’autres devenus plus que de simples copains d’école. Première boum des 15 ans, premiers flirts, disques vinyle encore 33 tours, les samedis après-midi à arpenter la même rue cinquante fois pour croiser LE garçon qui habitait là, les premières fêtes du cinéma, la nuit des publivores, les montées des marches, le Blitz, le Disco 7, le Prétexte, les 3 Cloches, la plage.

Il y a le hasard des amitiés nouées durant les vacances, les jobs d’été,  les premiers boulots.

Il y a les études supérieures. Ceux qui, présents au départ, se sont volatilisés, quelques années plus tard. Au gré des affinités.

Il y a les nouvelles recrues, fraîchement issues du monde professionnel.
Là, le tri se fait de façon rapide et efficace car dès que nous quittons une entreprise pour une autre, rien n’est plus vrai que le célèbre adage «loin des yeux, loin du cœur». Ne restent que ceux qui nous aiment vraiment pour ce que l’on est.

Il y a le club des Mamans, et ces mères avec qui l’on sent arriver immédiatement la connexion parfaite : enfants du même âge, et une idée de la vie assez similaire. Cela ne peut que fonctionner.

Il y a les pièces rapportées ( sans connotation péjorative, aucune ! ) ou comment agrandir son cercle d’amis en se faisant présenter des amis d’amis qui deviennent encore plus que des amis ! Qui s’élèveraient presque au statut de famille ! L’une commence une phrase, l’autre la termine. Il y a les dîners, les afters, les virées improbables, les soirées impromptues, le plaisir d’être ensemble, de rire non stop, à en avoir mal au ventre. A ruiner son mascara, à faire péter le glamour.

Il y a les virtuels, ceux qui ne font qu’apparaître au travers de notre petite fenêtre ou bien sur le fil d’actu de  Facebook. Ceux là même triés sur le volet et appréciés. Amitiés en devenir ? Piliers virtuels.

Il y a celui qui nous manque atrocement. Parce qu’il n’est plus là. Parce qu’il ne reviendra plus. Parce qu’il a décidé d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte. Et même si l’on respecte son choix, il y a la souffrance quotidienne due à son absence. La sensation qu’il est juste pas bien loin, l’impression qu’il va réapparaitre. La tristesse. Il n’y a que le temps qui puisse atténuer une blessure aussi douloureuse. Alors les souvenirs, c’est tout ce qu’il reste. Et puis honorer sa mémoire. Surtout.

Il y a toutes ces amitiés.

Sans eux, sans cette indéfectible amitié, sans cette longueur d’onde inébranlable, sans cette connivence perpétuelle, sans cette connexion d’âme,  que serai-je moi ?

L’être humain n’est pas fait pour vivre seul.
Animal certes, mais comme le disait si bien Aristote, animal social.

A vous tous,

Sylvie, Anaïs, Mireille, Céline, Fleur, Anne, David, Jérémie, Joël, Etienne, Caroline, Sandrine, Laurence, Christophe, Valérie, Sylvie, Sophie, Sophie, Sophie (y’en a tellement !) Marie, Alex, Magali, Michèle, Béatrice, Laetitia, Valérie, Fabienne, Julien, Olivier, Clément, Nathalie, Nathalie, Isabelle, Karine, Virginie, Karine, Mathieu,  Nathalie, Véronique, Fabien, Maryline, Carole, Virginie, et tous les autres …

A toi Cédric,

Merci.

jeudi 7 février 2013

Eugène, Oscar, Pardon ...





Il y a quelques heures,  alors que je surfais nonchalamment, enchaînant les allers-retours entre Twitter et Facebook, je m'arrêtais quelques instants sur le retweet d’un article évoquant un tag au Louvre Lens.

Poussée par la curiosité, j’ouvrai le lien et entrepris de lire ce qui allait immédiatement provoquer en moi des nausées proches de l'un de mes premiers mois de grossesse, un de ceux où j’avais envisagé d’inventorier chaque fêlure du fin fond de la cuvette de mes toilettes, tellement j’y passais du temps.

Oui un truc qui fout immédiatement la nausée. La révolte au fond du bide, l’envie de gueuler, de frapper sur n'importe quoi ou n'importe qui version punching-ball pour se défouler, tellement ça nous retourne les neurones et les sens.

Le picth est on ne peut plus simple.

Ouverture du Louvre-Lens, «La liberté guidant le peuple» est prêtée pour y être admirée telle une Guest Star (et c’est peu de le dire quand on a déjà eu la chance de pouvoir la contempler au Louvre), la culture est partagée.

Jusque là rien de bien sensationnel, et c’est d’ailleurs plutôt des bonnes nouvelles, une sorte de renouveau, d’engouement, d’abandon des castes parisiennes et de leur intégrisme culturel (Nous à Pââââââris … vous comprenez, on a accès à tout ! ) Et bien non ! Une œuvre ça se déplace ! Si tu ne viens pas à la culture, la culture viendra à toi ! Et bing !

«La Liberté guidant le peuple», elle est plutôt facile à se représenter, du moins chez  tout bon quarantenaire et plus, qui se souvient de ses bons vieux billets de 100 francs ( 15,24 euros pour les trentenaires et moins ).

Une œuvre d’Eugène Delacroix. Magistrale, symbolique. Un trésor. Les qualificatifs sont biens faibles pour cette catégorie qui n’est autre que le patrimoine culturel, artistique, esthétique de la France.
Oui, c’est un trésor. Il n’y a pas d’autre mot.

Curieusement, la notion de patrimoine, de culture, de préciosité et de conservation n’est pas vraiment la même chez tout le monde.

Une jeune femme de 28 ans est donc interpellée cette après midi au Louvre-Lens, après avoir tagué au marqueur indélébile des revendications (dont on ignore pour l’instant la nature exacte) sur environ une trentaine de centimètres.

Experts en restauration sont immédiatement dépêchés sur les lieux. La jeune femme elle, est placée en garde à vue.

Que risque-t-elle ? Mystère …

Au-delà d’une sanction par voie judiciaire largement méritée, il se pose une énorme problématique.

Que ceux qui insinuent que la toile n’aurait jamais dû bouger de Paris, se taisent aussitôt. Des fous, des timbrés, des odieux personnages, il y en a toujours eu, partout et de tous temps, et ironie du sort, la Capitale n’est pas en reste pour son quota de barges.

Mais à cause de la bêtise humaine,  faudra-il en arriver à proposer des œuvres sous cloche ? Ou pire, en arriver à ne plus du tout proposer l’accès à la culture. Des trésors bien trop fragiles pour être exposés aux risques et au vandalisme.
Que s’est – il passé dans le cerveau de cette jeune femme de 28 ans ?
Quelles étaient ces revendications ?
Etait-elle consciente de la gravité de son geste ?
L’a-t-elle fait en total connaissance de cause et pour marquer le coup par rapport au thème de la toile.
Comment peut-on mépriser notre pays, son propre pays au point de lui nuire et de bafouer, ruiner les trésors qu’il offre chaque jour à ses millions d’habitants

A quelques  centaines de kilomètres de là, au cimetière du Père Lachaise à Paris, ce sont sur d’autres souillures qu’il faut légiférer. La sépulture d’Oscar Wilde, sculpture monumentale exceptionnelle, avait été récemment nettoyée et protégée par une cloison de verre sur sa demi hauteur et ce afin de lui éviter ce constant défilé de baisers gras de rouge à lèvres, tradition idiote et inutile.








 La sépulture d'Oscar Wilde, avant/après restauration




Si la sépulture avait pu retrouver un aspect sain, les tentatives n’en restaient pas moins évidentes, pour preuve les sépultures voisines abîmées par quelques hystériques en mal d’embrasser et essayant de grimper ça et là sur la cloison.

Ces premiers jours de février 2013 ont vu réapparaître quelques baisers gras et rouges sur la partie supérieure. Preuve que l’être humain est vraiment prêt à tout pour détériorer au profit de la satisfaction de son propre plaisir.

Que dira-t-elle celle-ci ?
Que dira-t-il celui-ci ?
J’ai embrassé la sépulture d’Oscar Wilde ? J’ai réussi ?
Quelle gloire en tirer ?

Pas de gloire ici bas.

Honte sur vous, Madame, Mademoiselle ou Monsieur.
Honte sur quiconque abîme ou met en péril le patrimoine Français.
Honte sur cette bêtise insidieuse qui ne fait que se propager.
Honte sur ceux qui ne s’indigneront pas de tels gestes.