lundi 9 mars 2015

Grosse fatigu(é)e ...




Il y a 13 ans de cela je n’avais pas encore 3 grossesses et  25 kilos de trop dans le bide.

Je faisais un agréable 38/40 et m’habillait à La City ou chez Etam. 63 kilos toute mouillée, un joli 90B des hanches sympathiques et la possibilité de monter la fermeture éclair de mes bottes en cuir jusqu’au dessous du genou.

Aujourd’hui, je n’ose même plus monter sur la balance.
La vision d’un jean me fait baver d’envie. Un jean que j’arriverai à boutonner sans avoir la sensation de me lacérer le bide avec des lames de rasoir !
Je voudrai rentrer mes bras dans un chemisier qui ne serait pas à 95% de strech. Et retrouver la sensation d'un pantalon en lin.

Concrètement, 1m68 pour 95 kilos, ça donne un bon 48  selon les périodes du cycle, ça donne également de la cellulite à revendre, des douleurs articulaires, de la sciatique, un essoufflement permanent, une envie de dégommer la première nana 36 qui passe dans le secteur, un casse tête régulier pour trouver des fringues pas chères et sympas, des tissus qui serrent, une circulation sanguine de 98ème catégorie, des jambes criblées de varices qui feraient pâlir d’envie les techniciens de Google Map, des pieds gonflés avec des orteils version Knacky Balls  et  l’épreuve matinale de l’enfilage de chaussettes.

Ca donne aussi faim. Parce que plus une grosse est grosse, plus elle a envie de manger.
Après l’essai de tous les régimes possibles et inimaginables, la seule perspective qui pourrait me rendre un tour de taille acceptable (pour les 1289 vêtements qui attendent d’être reportés dans ma penderie) et une espérance de vie décente, serait une prise en charge totale de mon corps et de mon esprit.
Maigrir seule en ayant le cerveau parasité par un quotidien aussi embouteillé que la Porte d’Orléans le samedi soir, c’est un leurre. Un abominable leurre.

Pourtant, depuis peu, la grosse est à la mode. Telle un produit bankable, il en va de la grosse comme du produit de consommation courante, il y en a partout et à toutes les sauces !

Etrangement, la télé, les médias, le quotidien même, nous bassine avec la nécessité de se sentir bien dans sa peau tout en étant grosse.

Oui la grosse est à la mode et après tout c’est tellement nous, on le porte tellement bien !

Et que je te mets une grosse blonde bien sympa dans une émission de déco qui maroufle tout ce qui lui tombe sous la main et qui n’a pas de scrupules à porter la salopette !
Ca c’est la grosse bonne copine !

Et que je te mets une grosse avec des fleurs en caoutchouc dans les cheveux et des tenues à faire pâlir d’envie Minnie Mouse dans une série américaine bien trash.
Ca c’est la grosse version bonne copine intelligente et super geek  qui-sait-tout-faire-avec-son-ordi !

Et que je te mets une grosse version « J’me la joue Diva, j’ai une super voix (mais mon album est un bide de folie) » comme jury sur une émission de Tv réalité.
Ca c’est la grosse artiste qui n’a plus rien à prouver !

Et que je te mets une grosse en chroniqueuse modeuse/grande prêtresse/bloggeuse qui a que-des-bon-conseils-à-donner à toutes les filles parce que oui elle est grosse mais pas que, c’est surtout une nana comme vouzémoi ! ( Enfin c’est surtout ce qu’elle veut nous faire croire ).

Et que je te formate une artiste à la voix d’or, qui, maquillée, pomponnée, brushée pour son concert au Royal Albert Hall, n’a bien entendu aucune préoccupation sur sa surcharge pondérale qui devient limite, en plus de sa voix, son fond de commerce. En effet, elle est la représentation même que l’on peut être belle, talentueuse, célèbre, riche, et … grosse ! Adèle sans ses kilos serait elle devenue Adèle ? Mystère …

Bref aujourd’hui il fait bon être gros dans un monde qui revendique l’acceptation de soi, le bonheur de se recentrer sur l’être et non plus le paraître, non ce n’est plus possible de se moquer des gros, les gros sont nos amis, ils ont leur site internet de fringues, ils ont même leurs présentateurs à la Tv, tel le quota de minorité visibles, il faut un gros dans le coin, sinon ça va pas le faire.

L’ennui c’est que dans la vraie vie ce n’est pas vraiment comme ça que cela se passe.

Depuis mon adolescence, j’ai toujours été ce que l’on peut communément appeler une fille  « charnue». Ou plutôt, quand je ne l’étais pas forcément, de bonnes âmes pour lesquelles la taille 36 était un mode de vie se chargeaient gentiment de me faire remarquer que oui avec des kilos en moins je serais mieux. Ou plutôt qu’avec ces kilos en « trop » je ne pouvais pas être bien.
Non, une adolescente à peine sortie de la puberté avec des hanches, un cul et des seins, ça virait au « Sale grosse » dans la cour du collège. Le hic c’est qu’à l’époque, il ne s’agissait que de 2 kilos. Forcément ça rendait quoi au final ? Ca rendait tout simplement une image de soi tronquée. Une impossibilité de s’être vraiment regardée telle que l’on était et l’ascension inévitable vers  le cercle vicieux et pourri des régimes incessant pour au final ne faire que subir la nourriture.

Aujourd’hui, si l’on se base par rapport à un indice de masse corporel correct, j’ai environ 25 kilos de trop.

25 kilos !

Je vis avec 25 kilos en trop et je n’arrive pas une seule seconde à me discipliner pour les perdre alors que je sais pertinemment que plus le temps passe, plus mes jours sont comptés. Il ne me reste qu’une douzaine d’année pour atteindre le spectre de la pré-ménopause. Et là ce sera vraiment le point de non retour coté régime.

Alors que dire de cette image que l’on veut à tout prix nous imposer : les gros ont la côte ! C’est tellement plus fun de s’accepter tel que l’on est. Regardez-vous dans une glace et aimez vous, le monde vous aimera !
D’un côté un affichage perpétuel de mannequins plus anorexiques les uns que les autres et de l’autre un engouement manifeste pour l’obésité, le surpoids. Etre gros devient un « way of life ».

Je n’ai pas besoin qu’on m’aime, je pense être déjà pas mal gâtée de ce côté-là.
Je n’ai pas non plus besoin de m’accepter comme je suis, c’est fait depuis bien longtemps car  si je n’avais pas réussi à m’accepter telle que je suis, j’aurai fini à l’asile depuis belle lurette.
J’ai juste un souci avec la bouffe.
Et avec celles et ceux qui veulent absolument pointer le doigt sur un état qu’ils ne maîtrisent pas et dont ils ne connaissent absolument pas les causes, ni les conséquences.

Comment prétendre que c’est cool d’être gros ? Que le plus important est d’être bien dans sa tête et de s’accepter. Comment peut-on communiquer sur cette image alors que tout le monde sait qu’assumer son gras, ce n’est pas franchement un truc qui rend la vie heureuse et facile. Et que ça ne s’arrange pas non plus avec l’âge.

C’est à se demander si on a le droit d’émettre l’idée qu’un régime draconien nous ferait le plus grand bien car non on ne se sent pas bien dans ce corps trop lourd, dans ces jambes qui explosent à la moindre variation de température, dans ces varices lancinantes, dans cette suffocation constante et dans tout un tas de désagréments quotidiens qui nous pourrissent la vie.

Cette volonté de bonheur permanent, qui passe par l’acceptation quasi intégriste de soi devient presque perverse. Renier ses propres aspirations au profit d’une société qui ne veut absolument pas avoir à faire à des femmes « mal dans leur peau ». Le plongeon perpétuel au milieu des bisounours. NON, NON ET NON.

Si vous me croisez avec ces kilos, épargnez moi le côté enjoué et complice en me disant que cela fait partie de mon personnage truculent et si coloré, évitez de me dire que je porte magnifiquement mes rondeurs ou bien que je devrai perdre ces kilos car ma santé est menacée. Oubliez de me faire la morale en me sermonnant au prochain Paris-Brest englouti. Ne vous sentez pas obligé de signaler par quelque parole que ce soit  cette distinction physique si éloignée de la norme souhaitée par le commun des mortels. 
Essayez juste de comprendre que cet état n’est pas moi. Je ne suis pas bien dans ce corps qui me fait souffrir et je n'ai pas à cet instant précis, trouvé de volonté ou de solution pour en sortir.  Et c'est probablement le cas de toutes celles et ceux qui sont dans un état similaire.

Je n’ai pas 25 kilos de trop parce que je l’ai désiré. Et si cela était si simple de les faire disparaître, croyez vous que je serai là, en train d’écrire ce billet de m’enfiler un tube de lait concentré sucré en pleine conscience de mon acte délictueux !

Avoir un air enjoué et happy n’est en aucun cas la revendication souhaitée de notre circonférence

Bienveillance et tact. Deux mots un peu trop oubliés dans notre société. 

A répéter en boucle dans vos cerveaux quand vous croiserez une taille 48.