lundi 25 mars 2013

Indignation sélective





Quelle est la définition exacte de l’indignation ?

Larousse nous propose la suivante : Sentiment de colère ou de révolte que provoque quelqu'un ou quelque chose.
Colère ou révolte.
Globalement, y’a un truc  qui passe pas.

La définition ne nous incite pas à rechercher des degrés d’indignation.

Il parait que Dieu vomit les tièdes.
Je ne suis pas Catholique, mais je trouve ce verset du livre de l’Apocalypse assez intéressant.

(Apocalypse 3:14-16) : 
« Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. »
Intéressant parce que cette phrase justement placée dans un contexte d’indignation peut céder la place de Dieu à n’importe qui :  vous, moi, ou tout autre quidam de base.

Qui a seulement envie de voir l’objet de son indignation se transformer en un vaste champ de compromis, de sérénité, d’accalmie : la Suisse dans toute sa splendeur.

Ce verset était l’une des phrases préférées d’un ami très cher aujourd'hui disparu.
Sa prise de position, lorsqu'il estimait une situation injuste et inacceptable, était immédiate et sans concession. Il n’y avait pas de retour possible sur la situation.
Sans vouloir jouer au Zorro de service, sans se lancer dans des causes perdues ou pseudo valorisantes (de ces chaînes que l’on voit défiler inlassablement sur les fils d’actu de nos réseaux sociaux) il se plaçait simplement, se positionnait dans le camp qu’il souhaitait défendre et avait le plus souvent posé le pour et le contre avant de s’y aventurer.

Sans orgueil et avec la ferme intention de placer ses arguments, il avait le mot juste et rigoureux pour démonter pièce par pièce l’opposition qui se retrouvait, vulgairement parlant, le nez dans la merde. Et qui au final, n’avait fait que mériter ce sort.

En matière d’injustice et d’inacceptable,  je n’ai jamais pu être mesurée. 

Je suis probablement née en colère. Perpétuelle râleuse, sans doute aigrie aux yeux de certain, la quarantaine me fait désormais choisir avec délectation des sujets d’indignation plus ciblés, plus orientés.

Je me souviens  avoir souvent craché sur des vieilles en fourrure dans la rue alors que j’étais ado.

Je me souviens m'être faite frappée par une femme à la caisse d'un magasin parce que j'avais eu le malheur de lui signifier qu'on ne tabasse pas un enfant pour une chaussure oubliée dans un rayon.

Je me souviens avoir, il n’y a pas si longtemps que ça, hurlé sur une vieille cannoise qui après avoir empaqueté la merde de son chien de poche, s’était employée à jeter  le sachet plastique sur le bord de la route.

Je me souviens avoir plus d’une fois râlé après un abruti qui passait devant moi à la caisse d’un supermarché (oui bon, ça date sans doute d’hier, et d’avant-hier aussi).

Je me souviens avoir hurlé sur la puéricultrice de la maternité qui refusait de me donner des biberons de lait pour ma fille qui criait famine sous prétexte qu'elle devait  se réguler dans ses tétées et que l’on ne mélangeait pas du lait maternel et du lait  artificiel.

Je me souviens avoir insisté auprès de plusieurs médecins pour la révision de leur diagnostique insatisfaisant à mes yeux quand il s’agissait de mes enfants. A juste titre.

Des centaines de situations, qui peuvent apparaître dérisoires, jusqu’au jour où quelques évènements deviennent plus graves et qu’il faut là aussi prendre position, au risque de perdre des amitiés, au risque de me retrouver seule. Parce que refuser de se positionner face à quelque chose qui nous révulse, ce serait ne plus pouvoir se regarder dans un miroir.

Je me souviens aussi avoir reçu ces conseils bienveillants de proches qui ne souhaitaient pas faire de vagues. Il est de bon ton de se mêler de ses affaires.  Non, dans bien des cas, l’homme déteste faire des vagues. Il ne faut pas moufter, il ne faut pas la ramener. Toujours se contenter du milieu, de la tiédeur et de la douceur. Pas de bruits, pas de casse, pas de hargne, pas de rogne, pas de grogne. Il faut surtout être poli ! C'est pas beau l'impolitesse, le gros mot ? Pas de ça chez nous, non non non, il ne faut pas. Surtout pas.

Pourtant, ces mêmes personnes qui refusent de s’indigner pour quelques propos qui ne les concernent pas directement, seront sans doute celles qui s’étonneraient de vous voir refuser de défendre leur propre cause.

Mais où étiez vous donc quand je me faisais lyncher ?

Où étiez vous donc quand il y avait un honneur à défendre ? Un ami à sauver ?

S’indigner, comme l’impose  la grande mode depuis ce charmant manifeste de quelques pages, ce n’est pas simplement s’indigner pour de grandes causes qui semblent régir notre avenir, l’écologie, la faim dans le monde, le conflit Israélo- Palestinien.

S’indigner ce n’est pas publier sur son mur Facebook une photo d’un animal à moitié mort dans un refuge ou d’un bébé à la tronche éclatée en cliquant sur « j’aime »  car « si tu ne veux pas que ça se reproduise, clique sur « j’aime ».

L’indignation est bien plus intrinsèque aux méandres de notre esprit. Elle doit surgir comme un bouillonnement du plus profond de nos tripes qui fait que ce que l’on voit, ce que l’on lit, là tout de suite, (et peu importe qu’il s’agisse de quelque chose de dérisoire ou de grandiose) provoque en nous un sentiment d’injustice et de malaise profond. L’indignation est un message qui doit se maîtriser pour être dilué de la façon la plus objective et la plus certaine.

La résignation fait souvent place à l’indignation.

Je mourrai probablement comme je suis née : contestataire, râleuse, réellement indignée. De tout comme de rien, et certainement sereine d’avoir emmerdé le monde autour de moi.
Droite dans mes bottes.
Et vous ?