lundi 9 avril 2012

Folle Sagesse



J'avais pas loin de 7 ou 8 ans, peut être plus jeune encore.

J'accompagnais régulièrement au cimetière ma grand-mère et ma mère qui se rendaient en pèlerinage sur la tombe d'une arrière Tante.

Je me souviens de l'immensité du lieu et des interminables allées qu'il fallait arpenter pour arriver enfin à la sépulture, une dalle en granit grisâtre alignée au beau milieu d'autres dalles elles-mêmes toutes  aussi grisâtres les unes que les autres.

Les lieux m'apparaissaient comme immenses et interminables, mais surtout très familiers.

Pendant que ma Mémé adorée s'affairait sur la tombe, mon plus grand plaisir (morbide pour bon nombre d'entre vous qui me lisez, cela va de soi !) était de remplir des arrosoirs bien trop lourds pour ma pomme, de pleurer en regardant les médaillons d'enfants, d'aller arroser les plantes des tombes voisines (gonflée de responsabilités, je n'en négligeais aucune !) ou bien de redresser les pots de fleurs tombés ça et là.

Je me souviens encore de l'humidité des lieux, des odeurs de mousse et de fleurs déclinantes, du bruit des graviers sous nos pas, des visages tristes et graves des visiteurs, des tombes abandonnées ou négligées, la souffrance était de rigueur. Partout.

Pourtant, j'étais dans mon élément. Rien ne me dérangeait dans ce grand jardin où les occupants n'étaient pas vraiment bruyants, où l'on pouvait caresser des gros matous à profusion et observer le monde sous un autre angle. Un angle potentiellement silencieux.

Plus tard, c'est sur la tombe de ma grand-mère que j'ai pris l'habitude de me rendre, décédée peu avant mes épreuves du Baccalauréat, j'allais trouver là bas calme et tranquillité pour réviser mes matières. Lui parlant quelquefois, écoutant les oiseaux, profitant du soleil.

Les années ont passé et je n'ai pas cessé de cultiver ce goût pour tout ce qui pouvait être en rapport de loin ou de près avec la mort en général.

La mort, le surnaturel, l'au-delà, le paranormal, l'étrange, le bizarre, le freak, les cabinets de curiosités, le macabre, le funéraire,  le gothique, le médico-légal ...  Toutes ces choses qui peuvent sembler surréalistes aux yeux de certains et qui vous font immédiatement basculer dans une dimension hors-normes.

Hors-normes est le qualificatif qui me correspond le mieux.
Ex-aequo avec "trop".

Peut être un petit peu "Trop hors normes".

C'est donc en toute "normalité" (la mienne évidemment) que j'ai accepté d'apporter ma contribution à un site internet qui correspondait complètement à mes aspirations, mes goûts, et ma "passion".

Parlons-en de cette "passion".

Je déteste le mot passion. Il n'exprime à mes yeux que souffrance, dépendance, soumission et attente.  Je préfère de loin la notion de plaisir, de bonheur, de jouissance.

Bon nombre de mes relations/connaissances/amis/lecteurs/ doivent considérer ma "passion" comme un truc un peu étrange, voir même carrément glauque, limite anormal.

En effet comment donner l'image d'une personne normale alors qu'on semble tout droit être sortie d'un film de Tim Burton, qu'on passe sa vie à s'habiller comme si c'était Halloween, à photographier des tombes, à écrire des trucs sur la mort, à kiffer les bijoux skulls, à emmener ses gosses le mercredi après midi au Père Lachaise ou dans des musées à squelettes,  et à envisager son prochain stage de troisième année de psy au sein de l'Institut Médico-Légal de Paris.

Franchement, moi à votre place, je me barrerai en courant !

L'approche de la quarantaine apporte son lot de souffrance, de remise en question et d'affirmation, mais aussi de découverte et de renouveau.
Ce qui était latent, nié, sous-jacent et étouffé ressort quelquefois avec une puissance décuplée.
La route est longue et difficile pour retrouver cette place qui n'a pas cessé d'être la notre, simplement laissée de côté pour les bons soins du conformisme et du conventionnel.

Récemment, pour les besoins d'un de mes articles d'AlloLeCiel,  je suis rentrée en contact avec un jeune homme étonnant.
A peine 23 ans, et Agent Funéraire. Une profession qui laisserait penser qu'on ne peut l'exercer qu'en ayant un certain âge, des rides sur le visage, et la mine triste et déconfite. 

Anthony est aux antipodes de tout cela. Il contribue largement à cette démocratisation du monde du funéraire. Il m'a demandé en amie sur mon compte Facebook après m'avoir vu évoluer au gré de mes posts plus ou moins décalés ! Je me souviens encore d'un moment très amusant où, alors que je sirotais un Chaï Tea au Starbuck en compagnie de mon amie Sophie, j'ai lu un de ses petits messages en mp me demandant si je faisais aussi partie du monde du funéraire ou bien si c'était une "passion".

#Passionfunéraire est depuis devenue une grande source de plaisanterie entre Sophie et moi.

Tout comme Anthony, bon nombre de mes relations ont compris que cette sensibilité, cet attrait pour cet univers n'était pas source de désespoir ni de tristesse, mais plutôt une formidable envie de célébrer la vie à travers ce qui était moi.

Alors aux irréductibles qui traîneront leurs guêtres dans mon enclos mortifère et potentiellement anxiogène, et qui douteraient encore de la fiabilité de mes connexions synaptiques, je ne peux que leur répéter inlassablement :

2 commentaires:

  1. J'adore votre article! aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été "attirée" par la mort. Non pas le coté morbide et suicidaire, mais j'aime savoir ou du moins essayer de savoir ce qu'il y a après, comment, pourquoi, pour qui? C'est surement mon coté perfectionniste et pessimiste, je me dis que plus j'en sais et moins ça fait peur, mais malheureusement, je n'ai pas comme vous de souvenir précis de savoir d'où ça me vient! Enfnat je voulais être médecin légiste, tout le monde me trouvait folle, mais j'aimais ça, aider les morts à trouver la raison de leur mort, ne pas les laisser seuls... mais bon, l'avenir en a décidé autrement, mais je reste très attirée par ce domaine, je trouve la mort passionnante, car elle est la fin de la vie, quand on aime un livre, on adore sa fin, on peut lire et relire un livre juste pour sa fin, et bien c'est un peu mon sentiment sur la vie et la mort...

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  2. Il faut creuser (lol) pour retrouver les souvenirs. Souvent, il ne suffit que d'un seul pour que tout se remette en place et devienne clair et limpide.

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