Quelle est la définition exacte
de l’indignation ?
Larousse nous propose la suivante :
Sentiment de colère ou de révolte que provoque
quelqu'un ou quelque chose.
Colère
ou révolte.
Globalement,
y’a un truc qui passe pas.
La
définition ne nous incite pas à rechercher des degrés d’indignation.
Il parait que Dieu vomit les
tièdes.
Je ne suis pas Catholique, mais
je trouve ce verset du livre de l’Apocalypse assez intéressant.
(Apocalypse 3:14-16) :
« Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. »
« Ainsi, parce que tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni bouillant, je te vomirai de ma bouche. »
Intéressant parce que cette phrase
justement placée dans un contexte d’indignation peut céder la place de Dieu à n’importe
qui : vous, moi, ou tout autre quidam
de base.
Qui a seulement envie de voir l’objet
de son indignation se transformer en un vaste champ de compromis, de sérénité,
d’accalmie : la Suisse
dans toute sa splendeur.
Ce verset était l’une des phrases
préférées d’un ami très cher aujourd'hui disparu.
Sa prise de position, lorsqu'il estimait une situation injuste et inacceptable, était immédiate et sans
concession. Il n’y avait pas de retour possible sur la situation.
Sans vouloir jouer au Zorro de
service, sans se lancer dans des causes perdues ou pseudo valorisantes (de ces
chaînes que l’on voit défiler inlassablement sur les fils d’actu de nos réseaux
sociaux) il se plaçait simplement, se positionnait dans le camp qu’il
souhaitait défendre et avait le plus souvent posé le pour et le contre avant de
s’y aventurer.
Sans orgueil et avec la ferme
intention de placer ses arguments, il avait le mot juste et rigoureux pour
démonter pièce par pièce l’opposition qui se retrouvait, vulgairement parlant,
le nez dans la merde. Et qui au final, n’avait fait que mériter ce sort.
En matière d’injustice et
d’inacceptable, je n’ai jamais pu être mesurée.
Je suis probablement née en
colère. Perpétuelle râleuse, sans doute aigrie aux yeux de certain, la
quarantaine me fait désormais choisir avec délectation des sujets d’indignation
plus ciblés, plus orientés.
Je me souviens avoir souvent craché sur des vieilles en fourrure dans la rue alors que
j’étais ado.
Je me souviens m'être faite frappée par une femme à la caisse d'un magasin parce que j'avais eu le malheur de lui signifier qu'on ne tabasse pas un enfant pour une chaussure oubliée dans un rayon.
Je me souviens avoir, il n’y a
pas si longtemps que ça, hurlé sur une vieille cannoise qui après avoir
empaqueté la merde de son chien de poche, s’était employée à jeter le sachet plastique sur le bord de la route.
Je me souviens avoir plus d’une
fois râlé après un abruti qui passait
devant moi à la caisse d’un supermarché (oui bon, ça date sans doute d’hier, et
d’avant-hier aussi).
Je me souviens avoir hurlé sur la
puéricultrice de la maternité qui refusait de me donner des biberons de lait
pour ma fille qui criait famine sous prétexte qu'elle devait se réguler dans ses tétées et que l’on ne
mélangeait pas du lait maternel et du lait
artificiel.
Je me souviens avoir insisté
auprès de plusieurs médecins pour la révision de leur diagnostique
insatisfaisant à mes yeux quand il s’agissait de mes enfants. A juste titre.
Des centaines de situations, qui
peuvent apparaître dérisoires, jusqu’au jour où quelques évènements deviennent
plus graves et qu’il faut là aussi prendre position, au risque de perdre des
amitiés, au risque de me retrouver seule. Parce que refuser de se positionner
face à quelque chose qui nous révulse, ce serait ne plus pouvoir se regarder
dans un miroir.
Je me souviens aussi avoir reçu
ces conseils bienveillants de proches qui ne souhaitaient pas faire de vagues.
Il est de bon ton de se mêler de ses affaires. Non, dans bien des cas, l’homme déteste faire
des vagues. Il ne faut pas moufter, il ne faut pas la ramener. Toujours se
contenter du milieu, de la tiédeur et de la douceur. Pas de bruits, pas de
casse, pas de hargne, pas de rogne, pas de grogne. Il faut surtout être poli ! C'est pas beau l'impolitesse, le gros mot ? Pas de ça chez nous, non non non, il ne faut pas. Surtout pas.
Pourtant, ces mêmes personnes qui
refusent de s’indigner pour quelques propos qui ne les concernent pas
directement, seront sans doute celles qui s’étonneraient de vous voir refuser
de défendre leur propre cause.
Mais où étiez vous donc quand je
me faisais lyncher ?
Où étiez vous donc quand il y
avait un honneur à défendre ? Un ami à sauver ?
S’indigner, comme l’impose la grande mode depuis ce charmant manifeste
de quelques pages, ce n’est pas simplement s’indigner pour de grandes causes
qui semblent régir notre avenir, l’écologie, la faim dans le monde, le conflit
Israélo- Palestinien.
S’indigner ce n’est pas publier
sur son mur Facebook une photo d’un animal à moitié mort dans un refuge ou d’un
bébé à la tronche éclatée en cliquant sur « j’aime » car
« si tu ne veux pas que ça se reproduise, clique sur « j’aime ».
L’indignation est bien plus
intrinsèque aux méandres de notre esprit. Elle doit surgir comme un bouillonnement
du plus profond de nos tripes qui fait que ce que l’on voit, ce que l’on lit,
là tout de suite, (et peu importe qu’il s’agisse de quelque chose de dérisoire
ou de grandiose) provoque en nous un sentiment d’injustice et de malaise
profond. L’indignation est un message qui doit se maîtriser pour être dilué de
la façon la plus objective et la plus certaine.
La résignation fait souvent place
à l’indignation.
Je mourrai probablement comme je
suis née : contestataire, râleuse, réellement indignée. De tout comme de
rien, et certainement sereine d’avoir emmerdé le monde autour de moi.
Droite dans mes bottes.
Et vous ?