jeudi 7 février 2013

Eugène, Oscar, Pardon ...





Il y a quelques heures,  alors que je surfais nonchalamment, enchaînant les allers-retours entre Twitter et Facebook, je m'arrêtais quelques instants sur le retweet d’un article évoquant un tag au Louvre Lens.

Poussée par la curiosité, j’ouvrai le lien et entrepris de lire ce qui allait immédiatement provoquer en moi des nausées proches de l'un de mes premiers mois de grossesse, un de ceux où j’avais envisagé d’inventorier chaque fêlure du fin fond de la cuvette de mes toilettes, tellement j’y passais du temps.

Oui un truc qui fout immédiatement la nausée. La révolte au fond du bide, l’envie de gueuler, de frapper sur n'importe quoi ou n'importe qui version punching-ball pour se défouler, tellement ça nous retourne les neurones et les sens.

Le picth est on ne peut plus simple.

Ouverture du Louvre-Lens, «La liberté guidant le peuple» est prêtée pour y être admirée telle une Guest Star (et c’est peu de le dire quand on a déjà eu la chance de pouvoir la contempler au Louvre), la culture est partagée.

Jusque là rien de bien sensationnel, et c’est d’ailleurs plutôt des bonnes nouvelles, une sorte de renouveau, d’engouement, d’abandon des castes parisiennes et de leur intégrisme culturel (Nous à Pââââââris … vous comprenez, on a accès à tout ! ) Et bien non ! Une œuvre ça se déplace ! Si tu ne viens pas à la culture, la culture viendra à toi ! Et bing !

«La Liberté guidant le peuple», elle est plutôt facile à se représenter, du moins chez  tout bon quarantenaire et plus, qui se souvient de ses bons vieux billets de 100 francs ( 15,24 euros pour les trentenaires et moins ).

Une œuvre d’Eugène Delacroix. Magistrale, symbolique. Un trésor. Les qualificatifs sont biens faibles pour cette catégorie qui n’est autre que le patrimoine culturel, artistique, esthétique de la France.
Oui, c’est un trésor. Il n’y a pas d’autre mot.

Curieusement, la notion de patrimoine, de culture, de préciosité et de conservation n’est pas vraiment la même chez tout le monde.

Une jeune femme de 28 ans est donc interpellée cette après midi au Louvre-Lens, après avoir tagué au marqueur indélébile des revendications (dont on ignore pour l’instant la nature exacte) sur environ une trentaine de centimètres.

Experts en restauration sont immédiatement dépêchés sur les lieux. La jeune femme elle, est placée en garde à vue.

Que risque-t-elle ? Mystère …

Au-delà d’une sanction par voie judiciaire largement méritée, il se pose une énorme problématique.

Que ceux qui insinuent que la toile n’aurait jamais dû bouger de Paris, se taisent aussitôt. Des fous, des timbrés, des odieux personnages, il y en a toujours eu, partout et de tous temps, et ironie du sort, la Capitale n’est pas en reste pour son quota de barges.

Mais à cause de la bêtise humaine,  faudra-il en arriver à proposer des œuvres sous cloche ? Ou pire, en arriver à ne plus du tout proposer l’accès à la culture. Des trésors bien trop fragiles pour être exposés aux risques et au vandalisme.
Que s’est – il passé dans le cerveau de cette jeune femme de 28 ans ?
Quelles étaient ces revendications ?
Etait-elle consciente de la gravité de son geste ?
L’a-t-elle fait en total connaissance de cause et pour marquer le coup par rapport au thème de la toile.
Comment peut-on mépriser notre pays, son propre pays au point de lui nuire et de bafouer, ruiner les trésors qu’il offre chaque jour à ses millions d’habitants

A quelques  centaines de kilomètres de là, au cimetière du Père Lachaise à Paris, ce sont sur d’autres souillures qu’il faut légiférer. La sépulture d’Oscar Wilde, sculpture monumentale exceptionnelle, avait été récemment nettoyée et protégée par une cloison de verre sur sa demi hauteur et ce afin de lui éviter ce constant défilé de baisers gras de rouge à lèvres, tradition idiote et inutile.








 La sépulture d'Oscar Wilde, avant/après restauration




Si la sépulture avait pu retrouver un aspect sain, les tentatives n’en restaient pas moins évidentes, pour preuve les sépultures voisines abîmées par quelques hystériques en mal d’embrasser et essayant de grimper ça et là sur la cloison.

Ces premiers jours de février 2013 ont vu réapparaître quelques baisers gras et rouges sur la partie supérieure. Preuve que l’être humain est vraiment prêt à tout pour détériorer au profit de la satisfaction de son propre plaisir.

Que dira-t-elle celle-ci ?
Que dira-t-il celui-ci ?
J’ai embrassé la sépulture d’Oscar Wilde ? J’ai réussi ?
Quelle gloire en tirer ?

Pas de gloire ici bas.

Honte sur vous, Madame, Mademoiselle ou Monsieur.
Honte sur quiconque abîme ou met en péril le patrimoine Français.
Honte sur cette bêtise insidieuse qui ne fait que se propager.
Honte sur ceux qui ne s’indigneront pas de tels gestes.

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