Ouvrir un blog est une action
somme toute très narcissique.
Vous qui me lisez, vous lisez
mes critiques, mes plaisirs, mes coups de gueule, mes révoltes, mes coups de
coeur, (mais surtout mes coups de gueule on va dire). Il est assez rare pour
moi de parler de vous. Ou alors en diagonale.
Je me suis souvent demandée
pourquoi un tel besoin de parler de soi. Tenir un blog est une sorte de journal
intime non intime. On a toutes et tous envie du bon mot et on espère
fébrilement le commentaire qui va nous caresser et regonfler le temps de
quelques minutes/secondes/dixièmes de secondes pour les plus exigeants, un égo un
peu en berne mais déjà probablement surdimensionné pour avoir eu l'envie d'étaler sa sensibilité derrière un
écran dix-neuf pouces.
Blog mais aussi n'importe
quel autre support ! Tout est bon pour y
passer : Site internet perso, Facebook,
Twitter, Pinterest, Deezer, microblogging, il faut être vu, il faut observer
répondre, tagger, liker, hashtagger, forwarder, écouter, partager, et surtout
il faut commenter.
The place to be, the place to live !
Lorsque je suis installée
autour d'un Coco Banana accompagnée de ma Beletou, (un bisou en passant
d'ailleurs) on ne peut s'empêcher de vouloir faire partager cela à toute notre
liste de contacts Facebook à coup de photos, tags et identifications massive
des fois qu'on nous louperait.
Concrètement, il n'y a rien
de bien passionnant dans l'idée de partager sur une photo instagramée deux
cocktails posés nonchalamment façon "lifestyle" sur le coin d'une
table dans un établissement branchouille d'une station balnéaire cliché de la
Côte d'Azur (ben oui forcément, on partage et en plus de ça on se fait gauler
sur le lieu qui se colle automatiquement à la photo, quasiment une fois sur
deux ! Dommage pour ceux qui ne sont pas à l'endroit où ils prétendent être).
L'idée est de simplement
partager avec d'autres des moments qu'on apprécie (ou pas), tout
comme des musiques, des citations, des sensations, des situations pas banales, des tranches de vies.
Certains, toutes générations
confondues, s'en indignent et trouvent cela déplacé de toujours tendre vers ce
réseau social chronophage et tentaculaire. De déballer (ou pas) sa vie ou ce que
l'on veut bien de sa vie sans grande réserve.
Comment faisait-on avant
Facebook ?
Oui mais comment faisait-on
avant Internet ? Le GSM ? Le téléphone filaire ? La TV ? La voiture ? La pénicilline
!?
Loin de moi l'idée d'associer
la pénicilline à Facebook ou autre système de "regardez moi je suis
vivant". Il me semble juste nécessaire de préciser que ce que l'on croit
souvent être un simple phénomène de mode est en fait un réel phénomène de
société ou même une petite révolution si l'on sait l'observer selon ledit côté révolutionnaire.
Révolutionnaire, parce que
jamais un outil tel que le "réseau social" n'a autant boosté l'égo de
millions de personnes se sentant du jour au lendemain exister à travers une
lucarne, un statut, une vidéo publiée ou un jeu à la noix vantant les mérites
de la vie à la ferme et de l'élevage des cochons.
Révolutionnaire quand on voit
les proportions que cela peut prendre au niveau "déplacement de la
masse" : une société qui ne peut vivre autrement que dans un besoin
perpétuel de reconnaissance et qui paradoxalement n'a jamais autant fait preuve
d'individualisme.
Mais surtout révolutionnaire
quand on sait l'utiliser de façon judicieuse et pragmatique.
Il est fréquent d'entendre
les plus convaincus prétendre "Moi, je m'en fous des autres ! "
L'idée étant de savoir
plutôt ce que deviendrait notre vie sans
le regard de ces fameux "autres" ? Car si on s'en foutait vraiment,
alors quel besoin de figurer sur un site ? Sur un mur ? Sur un blog ?
Si quelquefois, comme l'a dit
si judicieusement Jean-Paul Sartre, les "autres" peuvent s'apparenter
à l'enfer, il n'en reste pas moins que sans leur regard, il nous est vraisemblablement
difficile de nous construire. Raison pour laquelle tous les humains de cette
planète, sans possible distinction, cherchent une potentielle reconnaissance
à travers leurs agissements. Celle la même qui les fera ressortir grandis, fiers, affirmés,
établis, heureux, peut être enfin rattrapés par un sentiment qui ne leur a que
trop manqué durant une période de vie spécifique : adolescence, enfance ...
S'évertuer à nier la course à
la reconnaissance est un leurre.
Toute action, parole, pensée,
est soumise au jugement d'autrui, et si
possible positif.
Même si ce jugement s'avère
négatif, il y aura forcément une part de reconnaissance à l'intérieur :
"on s'est intéressé à moi ! ".
Allez va, tous en choeur ...
Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'intéresse
Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'donne d'l'émoi
De mes amours mes humeurs mes tendresses
De mes retours mes fureurs mes faiblesses
Parlez-moi d'moi
Parfois avec rudesse
Mais parlez-moi, parlez-moi d'moi
Vous me dites-ci
Vous me dites-ça
Comment vous avez vaincu vos orages
Vos petits soucis
Et vos gros tracas
Mais si vous voulez m'toucher davantage
[Refrain]
Comme c'est touchant ce que vous vivez
Mon Dieu vous racontez bien vos angoisses
Ce que les méchants vous ont fait baver
Entre nous tous vos problèmes m'agacent
[Refrain]
Je voudrais un peu parler un instant
Jamais vous ne me laissez en placer une
Lorsqu'enfin je peux déserrer les dents
J'ai l'impression de l'ouvrir pour des prunes
V'la qu'j'en ai assez de tous ces laïus
Il est grand temps maintenant de nous taire
De nous embrasser
De secouer nos puces
C'est comme ça qu'vous comprendrez mon mystère
Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'intéresse
Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'donne d'l'émoi
Et plus vous pleurerez sur mes détresses
Plus voyez vous ça nous mettra en joie
Paroles et musique: Guy Béart, 1980
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#Hémoiémoisetmoi...