mercredi 11 avril 2012

Si je veux ...





Alors que je déambulais une fois de plus dans le rayon psycho de la FNAC Saint Lazare, en quête d'un 578ème livre qui viendrait s'ajouter nonchalamment à la pile des 577 autres que je n'ai pas encore eu le temps de dévorer mais que-j'aime-bien-avoir-sous-le-coude-au-cas-où ... je bifurquais au hasard du rayon recettes de cuisine pour m'en extirper au plus vite et atterrir par dépit devant l'escalator où se trouve le panneau "développement personnel".

Je dois avouer que ce rayon me laisse bien souvent perplexe. J'ai toujours eu beaucoup de réserves avec des ouvrages qui prétendent vous donner les clefs de ce qui ne peut finalement provenir que du plus profond de vous même.

C'est un peu comme répéter inlassablement à une copine qui s'accrocherait à son mec marié et looser : "MAIS QUITTE LE BORDEL ! TU VOIS BIEN QU'IL DIVORCERA JAMAIS" !

Ben là c'est un peu l'effet que ça me fait : penser que le bonheur se trouve dans un livre intitulé "atteindre le bonheur" c'est juste vouloir persuader une sensibilité sur une chose qu'elle ne peut qu'elle même atteindre, le jour où elle l'aura décidé et non pas à l'insu de son plein gré comme dirait notre ami Richard ...

Forcément, si le mode d'emploi (efficace) du bonheur existait dans les bouquins, déjà les rayons seraient perpétuellement vides car les stocks constamment épuisés, et il n'y aurait pas quatre semaines d'attente pour consulter mon Psy adoré. Finalement le bon côté du truc c'est que je n'aurai pas de chômage une fois mon Master en poche, mais bon, ceci est encore un autre débat.

Le bonheur est donc en vente à la FNAC, on le retrouve aussi dans les magazines TV (un excellentissime article de Télé7Jours intitulé "10 solutions pour atteindre le bonheur"). On essaye de nous le perfuser à travers des émissions dignes d'un protozoaire monocéphale : D&Co ! L'émission du bonheur par excellence ! J'ai regardé cette émission à quelques reprises et je me suis longtemps demandée s'ils n'allaient pas pousser le bouchon (Maurice) au point de nous sortir une compil des musiques niaises balancées sur chaque découverte de l'appart refait 1...2...3... Ouvrez les yeux,  mais mettez vos lunettes de soleil quand même, avec tout ce fluo faut pas déconner ...

Il y a souvent une sorte de dictature du Bonheur.
Vouloir à tout prix que l'autre aille bien.
Quand une personne exprime ses sentiments, son mal être, il est de bon ton de vouloir lui balancer des phrases assez formatées pour la circonstance "allez, tout ira mieux" ... "Tu es une personne formidable, tu vas t'en sortir " ...
J'ai rarement eu l'occasion d'entendre ou de lire  un "Vas y  mon gars, déprime, broie du noir si ça te fait plaisir, t'as bien raison, ta vie c'est de la merde".

En même temps, j'ai souvent tendance à penser que si ces intentions de réconfort sont louables, elles n'en sont pas moins égoïstes. La douleur de l'autre nous dérange. Et sans doute, plutôt que de se pencher dessus, d'essayer d'accompagner ou de creuser (creuse Forrest, creuse !) pour comprendre, il nous est beaucoup plus facile d'encourager à la guérison, à la détente, au BONHEUR ! (Encore là celui là, What The Fuck ! Ca s'accroche comme les mauvaises odeurs ... Pffff ...).

Et si l'autre, dans sa grande détresse et son indéfectible solitude, ne réclamait pas tout simplement un peu de repos à cette dictature du beau et du bien que l'on souhaite à tout prix lui imposer.
Pourquoi ne serait-il pas plus aisé de le regarder en lui disant : "je suis là, je respecte ta détresse. Si tu veux que nous en parlions, je t'écouterai, si tu veux pleurer, je serai une épaule, si tu veux hurler, je hurlerai avec toi. Mais en aucun cas, je ne te jugerai pour ce que tu ressens et pour le chemin qui t'a mené jusqu'à cette sensibilité".

En fait, le bonheur est un leurre.
On nous a gentiment balancé sur terre avec l'idée que notre vie devrait logiquement respecter une succession de bonheur (Oh la jolie  petite fille, Oh la jolie Barbie, Oh les jolies études, Oh le joli fiancé, Oh la jolie robe de meringue, Oh le joli mariage, Oh les jolis enfants, Oh le joli crédit, Oh la jolie maison, Oh les jolies vacances, Oh la jolie carrière, Oh la jolie retraite, Oh le joli caveau...)

Très rapidement, ( voir même illico pour bon nombre d'entre nous ! ) on se rend compte que cela ne va pas vraiment se passer comme cela et qu'on s'est un peut fait enfler sur la marchandise.

Le bonheur n'est pas un banal produit de consommation comme on pourrait le penser.
Le bonheur ne se vend pas, il ne se fabrique pas, il ne se construit pas.
Le bonheur s'attrape, furtivement, longuement, patiemment.

Le bonheur passe cent mille fois dans une seconde. Il ne tient qu'à nous de le saisir, de le garder, quelquefois d'apprendre à le relâcher, pour mieux le retrouver, plus tard.

Le bonheur, c'est ...
  • Une holà de 3 putois sur le canapé rouge en l'honneur de leur maman qui a enfin réussi à perdre 7 kilos !
  • Une matinée au Starbuck devant un Lemon Cake et un Chaï Tea Latte à refaire le monde.
  • Une après midi au Père-Lachaise
  • La valse d'Amélie au piano
  • Prendre des photos tout le temps et partout.
  • Rire avec la gardienne de l'école.
  • Des assiettes vides à la fin d'un couscous.
  • Une Chimay bleue dans le Carré en février.
  • Des pieds nus dans l'herbe en juillet.
  • Regarder Montmartre
  • Ecouter Barbara
  • Une 151ème paire de chaussure.
  • Ecrire, lire, rencontrer, découvrir, apprendre, entendre, respirer.
  • Aimer ...


#faitesvotreliste ...







5 commentaires:

  1. Une fois de plus j'adore et j'adhère!! à vouloir pousser tout le monde au bonheur, on les fait déprimer "comment, tu n'es pas pleinement heureuse avec tes 4 kilos qui trainent et tes vergetures? mais tu as le plus bébé de la terre, tu es indigne d'en etre mère si tu es aussi malheureuse" "mais t'as vu ta tete, faut se maquiller le matin quand on a une tete comme ça" et la fameuse question "ça va?" à laquelle on n'a le droit que de répondre "oui!!" et bien tout ça nous mine le moral, alors que si les gens étaient en effet un peu compatissant "oui, c'est normal d'etre fatiguée après un bébé, tu veux un coup de main?" ou bien "t'as l'air crevé!! tu as un souci, n'hésite pas à en parler", ça nous ferait tellement plus de bien et on déprimerait bien moins, on se sentirait soutenus et on savourerait bien plus le plaisir d'un coca bien frais en terrasse (d'ailleurs tout bêtement on y penserait!!), et on verrait notre vie sous un jour plus sympathique...

    RépondreSupprimer
  2. Et donc là, ben je sirote un coca ! ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Deux mots : La Classe.

    et aussi : "La fatigue d'être soi", d'Alain Ehrenberg chez Odile Jacob ;)

    RépondreSupprimer
  4. Encore une bonne occase d'aller à la FNAC, CRRRR ... CRRRR ...

    RépondreSupprimer
  5. Coucou !
    Moi j’ai renoncé à être heureuse : je n’y arrive pas, et il y a des choses plus importante à faire que d'essayer. J'essaye juste de ne pas être trop malheureuse, pour ne pas perturber mes autres activités, mais la quête du bonheur, je laisse tomber. Les gens y passent leurs vies, et on dirait vraiment que ceux qui ne sont pas doués à la base peuvent ne jamais réussir. Enfin, je ne suis pas malheureuse en permanence, seulement la plupart du temps, et je l'accepte.

    Ps : je dis pas à tout le monde de faire comme moi, hein. J'avais juste envie d'en parler. ^^

    RépondreSupprimer