vendredi 20 avril 2012

Vous me reconnaissez ?





Ouvrir un blog est une action somme toute très narcissique.
Vous qui me lisez, vous lisez mes critiques, mes plaisirs, mes coups de gueule, mes révoltes, mes coups de coeur, (mais surtout mes coups de gueule on va dire). Il est assez rare pour moi de parler de vous. Ou alors en diagonale.

Je me suis souvent demandée pourquoi un tel besoin de parler de soi. Tenir un blog est une sorte de journal intime non intime. On a toutes et tous envie du bon mot et on espère fébrilement le commentaire qui va nous caresser et regonfler le temps de quelques minutes/secondes/dixièmes de secondes pour les plus exigeants, un égo un peu en berne mais déjà probablement surdimensionné pour avoir eu l'envie d'étaler sa sensibilité derrière un écran dix-neuf pouces.

Blog mais aussi n'importe quel autre support ! Tout  est bon pour y passer : Site internet perso,  Facebook, Twitter, Pinterest, Deezer, microblogging, il faut être vu, il faut observer répondre, tagger, liker, hashtagger, forwarder, écouter, partager, et surtout il faut commenter.

The place to be, the place to live !

Lorsque je suis installée autour d'un Coco Banana accompagnée de ma Beletou, (un bisou en passant d'ailleurs) on ne peut s'empêcher de vouloir faire partager cela à toute notre liste de contacts Facebook à coup de photos, tags et identifications massive des fois qu'on nous louperait.

Concrètement, il n'y a rien de bien passionnant dans l'idée de partager sur une photo instagramée deux cocktails posés nonchalamment façon "lifestyle" sur le coin d'une table dans un établissement branchouille d'une station balnéaire cliché de la Côte d'Azur (ben oui forcément, on partage et en plus de ça on se fait gauler sur le lieu qui se colle automatiquement à la photo, quasiment une fois sur deux ! Dommage pour ceux qui ne sont pas à l'endroit où ils prétendent être).
L'idée est de simplement partager avec d'autres des moments qu'on apprécie (ou pas), tout comme des musiques, des citations, des sensations, des situations pas banales, des tranches de vies.

Certains, toutes générations confondues, s'en indignent et trouvent cela déplacé de toujours tendre vers ce réseau social chronophage et tentaculaire. De déballer (ou pas) sa vie ou ce que l'on veut bien de sa vie sans grande réserve.

Comment faisait-on avant Facebook ?
Oui mais comment faisait-on avant Internet ? Le GSM ? Le téléphone filaire ? La TV ? La voiture ? La pénicilline !?

Loin de moi l'idée d'associer la pénicilline à Facebook ou autre système de "regardez moi je suis vivant". Il me semble juste nécessaire de préciser que ce que l'on croit souvent être un simple phénomène de mode est en fait un réel phénomène de société ou même une petite révolution si l'on sait l'observer selon ledit côté révolutionnaire.

Révolutionnaire, parce que jamais un outil tel que le "réseau social" n'a autant boosté l'égo de millions de personnes se sentant du jour au lendemain exister à travers une lucarne, un statut, une vidéo publiée ou un jeu à la noix vantant les mérites de la vie à la ferme et de l'élevage des cochons.
Révolutionnaire quand on voit les proportions que cela peut prendre au niveau "déplacement de la masse" : une société qui ne peut vivre autrement que dans un besoin perpétuel de reconnaissance et qui paradoxalement n'a jamais autant fait preuve d'individualisme.

Mais surtout révolutionnaire quand on sait l'utiliser de façon judicieuse et pragmatique.

Il est fréquent d'entendre les plus convaincus prétendre "Moi, je m'en fous des autres ! "
L'idée étant de savoir plutôt ce que deviendrait notre vie  sans le regard de ces fameux "autres" ? Car si on s'en foutait vraiment, alors quel besoin de figurer sur un site ? Sur un mur ? Sur un blog ?

Si quelquefois, comme l'a dit si judicieusement Jean-Paul Sartre, les "autres" peuvent s'apparenter à l'enfer, il n'en reste pas moins que sans leur regard, il nous est vraisemblablement difficile de nous construire. Raison pour laquelle tous les humains de cette planète, sans possible distinction, cherchent une potentielle reconnaissance à travers leurs agissements. Celle la même qui les fera ressortir grandis, fiers, affirmés, établis, heureux, peut être enfin rattrapés par un sentiment qui ne leur a que trop manqué durant une période de vie spécifique : adolescence, enfance ...

S'évertuer à nier la course à la reconnaissance est un leurre.
Toute action, parole, pensée,  est soumise au jugement d'autrui, et si possible positif.
Même si ce jugement s'avère négatif, il y aura forcément une part de reconnaissance à l'intérieur : "on s'est intéressé à moi ! ".

Allez va, tous en choeur ...

Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'intéresse
Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'donne d'l'émoi
De mes amours mes humeurs mes tendresses
De mes retours mes fureurs mes faiblesses
Parlez-moi d'moi
Parfois avec rudesse
Mais parlez-moi, parlez-moi d'moi

Vous me dites-ci
Vous me dites-ça
Comment vous avez vaincu vos orages
Vos petits soucis
Et vos gros tracas
Mais si vous voulez m'toucher davantage

[Refrain]

Comme c'est touchant ce que vous vivez
Mon Dieu vous racontez bien vos angoisses
Ce que les méchants vous ont fait baver
Entre nous tous vos problèmes m'agacent

[Refrain]

Je voudrais un peu parler un instant
Jamais vous ne me laissez en placer une
Lorsqu'enfin je peux déserrer les dents
J'ai l'impression de l'ouvrir pour des prunes
V'la qu'j'en ai assez de tous ces laïus
Il est grand temps maintenant de nous taire
De nous embrasser
De secouer nos puces
C'est comme ça qu'vous comprendrez mon mystère

Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'intéresse
Parlez-moi d'moi
Y a qu'ça qui m'donne d'l'émoi
Et plus vous pleurerez sur mes détresses
Plus voyez vous ça nous mettra en joie

Paroles et musique: Guy Béart, 1980
...

#Hémoiémoisetmoi...

1 commentaire:

  1. "Celle la même qui les fera ressortir grandis, fiers, affirmés, établis, heureux, peut être enfin rattrapés par un sentiment qui ne leur a que trop manqué durant une période de vie spécifique : adolescence, enfance ..."
    JE suis bi d'accord avec toi, et c'est pour cela que nous essayons pousser nos ados à s'aimer eux mêmes ( je veux dire à porter sur eux mêmes un regard juste qui sache apprécier leurs qualités comme leurs défauts à leur juste valeur). Ainsi, pensons-nous, deviendront-ils des adultes bien dans leur peau et tournés vers les autres pour ce qu'ils sont et pas seulement pour la reconnaissance qu'ils peuvent en attendre.
    Ambitieux programme n'est-ce pas? Que nous sommes à peu près sûrs de ne pas mener complètement à bien. Mais je me dis que s'ils pouvaient ne pas dépendre complètement du regard des autres pour exister, ils seraient drôlement plus heureux et plus libres.
    Il m'a fallu 40 ans pour le comprendre !!!!

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